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Retour sur les Rencontres Éclairées, jeudi 28 janvier 2021 :

Si la ville concentre tous les âges de la population, tous les âges ne trouvent pas la ville qui leur correspond. Dans la ville, être jeune, être adulte, être âgé ne signifie pas les mêmes attentes, les mêmes besoins, les mêmes usages…

Quand on sait combien la mixité générationnelle est aussi bénéfique à l’épanouissement individuel et collectif des jeunes que des seniors, on peut se demander comment concevoir une ville qui permet à tous de partager les mêmes espaces ? Les espaces publics peuvent-ils être conçus pour tous les âges ? Autant de questions qui ont été mises en débat, lors des Rencontres Éclairées du 28 janvier 2021 dernier, afin d’imaginer ensemble une ville accueillante pour toutes les générations.

La longévité est une opportunité pour penser la ville pour tout le monde
Vivre ensemble, c’est l’égale dignité des êtres humains à tout âge. Comment faire dialoguer ces générations, comment inclure toutes les personnes dans la ville ?

Pour cerner la réalité des seniors dans la ville et ne pas imaginer des projets à leur place, comment peut-on les écouter et les laisser parler de leur quotidien ?

Le débat longévité mené en 2019 par Nantes Métropole repositionne la question de la longévité et cherche à faire basculer les stéréotypes. Changer le regard de la vieillesse et en faire un enjeu d’égalité au travers des politiques publiques, c’est la volonté de la métropole, comme nous le rapporte Sophie Gaté ; responsable « Territoire de longévité » de Nantes Métropole.

Près de 90 % des personnes souhaitent vieillir chez elles, mais « chez soi », ce n’est pas que le domicile. C’est aussi le quartier dont la fabrique doit être anticipée pour maintenir une activité auprès de ces personnes seniors. Il est complémentaire du domicile, qui doit être bienveillant, avec des aides humaines et techniques.

La retraite est une part désormais importante de la vie des citoyens et des citoyennes. Mais les aidants, famille ou professionnels sont invisibilisés, la fracture numérique est présente entre les générations et les femmes subissent particulièrement la précarité financière. Par nos modes de vie nouveaux, l’isolement présente un haut facteur de risque.

Afin de changer le regard sur la vieillesse, il faut faire évoluer les représentations du vieillissement et être accompagné pour construire une société de tous les âges. Dans ce cadre, Nantes est la seule métropole dotée d’un conseil gérontologique. Une approche par les forces de la longévité et non pas par ses faiblesses est une des pistes pour réfléchir à un nouveau projet de société plus inclusive entre les âges.

C’est quoi, être vieux et vieille ?
Guillaume Sicard, architecte et Alexandre Sfintesco, urbaniste architecte, font partie du collectif « Le Printemps de l’hiver ». Ils interrogent les modèles de société existants pour ces retraités « non-workers » dans le territoire urbain et rural de l’Île-de-France. Ils sont partis à la rencontre des seniors et de leurs histoires, toutes différentes mais avec des dénominateurs communs. À l’aide d’interviews, de photo et d’échanges, ils ont pu comprendre et analyser leurs besoins d’autonomie et de déplacement.

Finalement, c’est quoi être vieux ? Est-ce être malade et dépendant ? Ce n’est plus le cas aujourd’hui puisqu’une grande partie de cette tranche de la population reste active ; un temps qui n’est pas toujours anticipé, préparé voire parfois quantifié. Les « entre-deux âges » sont mal pensés. Par exemple, le périmètre de déplacement change avec la vieillesse : des services et commerces qui étaient « juste à côté » deviennent désormais plus lointains, moins dans la proximité. La sphère sociale s’en trouve également modifiée avec un besoin de retrouver et de réinventer les interactions sociales.

Pourrait-on trouver un modèle entre l’EHPAD et l’habitat collectif dans une ville qui n’est initialement pas pensée pour les retraités ? Quels sont les projets de vie pour cette génération de baby-boomers ? L’usage des espaces publics est mixte, avec des temporalités différentes suivant les usagers. Il faut pouvoir penser l’intégration de l’ensemble des générations dans le centre-ville, avec les transports, des services que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural où la mobilité est essentielle. Le volet économique est également à repenser, car il faut prévoir des modèles d’habitat accessibles à toutes les personnes, quelles que soient leurs capacités financières.

On peut également se poser la question de la valeur de la vieillesse : ces personnes apportent une valeur non quantifiable, non économique mais essentielle à la société par leur engagement dans la vie de quartier, la vie associative ou les municipalités.

Leur parole a du poids
Alain Jung, scénariste anthropologue et porteur du projet « Les Autres générations », accompagne les groupes de personnes, dites isolées, par la parole et les émotions au travers d’une démarche artistique. Écouter ces mots, c’est permettre à ces personnes de se sentir compétentes, légitimes et de pouvoir communiquer sur leurs vécus, pour participer à la construction de leurs prochains projets de vie. Ils et elles ne sont pas que des témoins, mais des acteurs et actrices qui agissent et collaborent avec leurs environnements.

L’artistique intervient donc en complément de la méthode scientifique, en laissant une place à l’émotionnel et au ressenti. Qu’est-ce que ces personnes « âgées » ont à nous dire de leurs vies ? Comment les générations se voient l’une dans l’autre ? Qu’ont-elles à nous raconter ?

Par la création de cette œuvre de témoignages, ces mots ont une finalité : celle de voir une suite à ses paroles, une rétribution pour faire progresser le regard et le fonctionnement de notre société sur cette génération. Une démarche qui s’inscrit pleinement dans le projet « Seniors, expérience de l’art et participation sociale », porté Pick Up Production pour s’interroger sur le lien existant et à imaginer entre les générations.

Écouter pour mieux construire
Les personnes âgées, les séniors, les baby-boomers, les vieux… Quel que soit le mot que l’on utilise pour qualifier cette génération, ce sont des personnes dont la voix n’est pas entendue et dont la place dans l’espace public doit être réinvestie. Ils et elles nous poussent à une autre manière de penser sa valeur au monde. Écouter les personnes dont la parole n’est pas d’ordinaire entendue pour que la ville de demain soit plus inclusive de tous les âges.

La rencontre complète est disponible en podcast ci-dessous :

© Radio Prun

Synthèse écrite par le Labo des savoirs 
En 2020, le Laboratoire de Transfert inaugure un nouveau partenariat éditorial avec le Labo des savoirs autour des Rencontres Éclairées, rendez-vous qui questionnent la place de la culture dans la ville. Une synthèse et une série de podcast, en collaboration avec Alvéole Médias, y seront consacrés. 

Le Labo des savoirs est une émission radio hebdomadaire consacrée aux sciences et à la culture scientifique. L’association décrypte avec les chercheurs et les chercheuses les questions d’actualité, analyse les enjeux d’aujourd’hui et de demain. Des sciences exactes aux sciences humaines en passant par les sciences économiques et sociales, tous les champs de la connaissance y sont passés au crible.