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Site fermé (jusqu’au printemps prochain), mais site vivant ! Alice Rizio et les machines de La Petite Frappe occupent un atelier de typographie sur le site de Transfert. Cette nantaise d’origine a d’abord étudié l’Histoire de l’art pour investir la fromagerie et enfin s’adonner pleinement à la typographie. Retour sur un parcours atypique et sur l’été à Transfert.

Comment passe-t-on de l’Histoire de l’art à la fromagerie pour arriver à la typographie ?
En Histoire de l’art, je maniais des concepts qui n’intéressaient pas grand monde, comme l’art religieux catholique à Nantes (rires). Je suis incollable sur toutes les églises de banlieue (rires). J’ai eu besoin de réaliser quelque chose de mes mains et d’obtenir un résultat tangible, c’est pourquoi je suis partie en Sicile travailler dans le fromage de chèvre. Ce fut la révélation ! Ensuite je me suis dirigée vers l’est de la France pour rejoindre le père d’un ami qui est imprimeur, qui m’a formée durant six ans. Depuis, je suis revenue à Nantes où je démarre mon activité de typographe en solo !

On imagine souvent la typographie comme la création ou le dessin de lettres, c’est faux, non ?
C’est une erreur ! La typographie désigne aujourd’hui une technique d’impression en relief. On dit aussi letterpress, mais je m’acharne à le dire en français ! Inventée par Gutenberg, on l’a beaucoup utilisée entre 1425 et 1980. L’intérêt, c’est qu’on ne peut plus obtenir ce relief avec les techniques modernes. C’est drôle, car c’était à l’époque un défaut d’impression, et c’est grâce à leurs erreurs que ces machines ont été en partie sauvées. Ici, on est sur des impressions un peu haut-de-gamme, utilisées pour des cartes de visites, des faire-parts, des livres d’arts… Cela demande énormément de technique et de précision, ce qui satisfait grandement ma maniaquerie (rires). Ce n’est pas qu’une esthétique, il y a aussi une dimension sensuelle.

À l’heure de la dématérialisation, quelle est la place de ton métier ?
On a tellement tout dématérialisé, souvent à raison, qu’on a aussi envie d’objets précieux. Et ici, on ne connaît pas l’obsolescence programmée ! Cette machine date de 1963 et marche comme une horloge. Et si j’ai un problème, je peux m’adresser à des confrères. Il y une super solidarité entre imprimeurs. Il faut quand même savoir qu’ils étaient les premiers ouvriers instruits et militants car il était impossible de faire ce métier sans savoir lire.

Comment as-tu intégré le site de Transfert ?
Je cherchais un local depuis deux ans. Mes machines pèsent 1,5 tonnes chacune, il me faut un rez-de-chaussée, du courant triphasé etc. C’est Eric, le scénographe de Transfert qui m’a parlé du lieu. Au départ, Pick Up Production voulait construire un village d’artistes, ce qui a été revu à la baisse pour des raisons budgétaires. J’ai quand même intégré cet atelier fait sur-mesure car je peux me permettre de payer un loyer. Ça fait vivre le site à l’année et ça donne la chance à quelqu’un comme moi de créer son activité.

Tu t’es installée dès juillet, comment as-tu vécu la construction ?
C’est déjà une prouesse d’avoir livré le chantier dans les temps ! Tout le monde était dans le jus mais on n’a pas hésité à se filer des coups de main, le tout dans une ambiance de franche rigolade.

Quel bilan fais-tu de l’été ?
Le site a accueilli la moitié de l’agglo, et peu importe la catégorie sociale, tous les visiteurs étaient assez fascinés. Dans le milieu indé, certains trouvaient que c’était un lieu pour les bobos sans jamais y être allés. Ce n’était clairement pas le cas, il y avait de tout, des branchés, des familles etc. D’autres ont hurlé quand ils ont entendu le montant du budget, mais pour avoir fait de l’événementiel à plus petite échelle, c’est loin d’être délirant ! Il y a toujours des critiques, mais tous les Rezéens que je connais étaient ravis qu’il se passe enfin quelque chose dans le coin.

Penses-tu que Transfert est un lieu plus libre que ce qui est habituellement proposé à Nantes ?
Oui, même si ça ne veut pas dire qu’on peut y faire n’importe quoi. J’ai l’impression qu’il n’y a plus que des propositions énormes comme le Château ou Les Machines. J’étais un peu nostalgique des années 90 et de cette faune artistique qui disparaît à cause des problèmes de bruits et de normes de sécurité. La dernière soirée de Transfert, il y avait des jets de flammes partout, c’était très beau, cadré, mais on avait presque un peu peur qu’il se passe quelque chose. Et puis, non… car tout le monde a pris ses responsabilités. Les gens ne sont pas idiots quand on leur laisse un peu de latitude. C’est juste que l’on n’a plus l’habitude…

Propos recueillis par Pierre-François Caillaud
 (rédacteur en chef du Magazine Grabuge)
Photo © Julien Daden

Le site de La Petite Frappe : lapetitefrappe.fr