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Sweatlodge, Karbon 14 ou le festival Paco Tyson, Nicolas Viande fait vivre l’électro à Nantes depuis si longtemps que l’on pourrait retrouver des peintures rupestres de lui en train de mixer sur une peau de mammouth ! L’activiste de 37 ans nous raconte son implication dans Transfert, l’évolution de la free party et la place de la fête dans notre société. 

 

Quel a été ton premier contact avec la musique électronique ?
Nicolas : À 18 ans, ma grande-sœur m’a emmené en rave party ! Cette musique que je n’avais alors jamais entendue m’a mis une claque ! Tout le côté revendicatif, le do it yourself, la contre culture, cela te parle forcément à cet âge-là.

Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir acteur de cette scène ?
N : Je jouais de la guitare, mais il était compliqué de monter des dates avec les café-concerts… Là, il suffisait de fabriquer des enceintes, d’acheter un camion que tu calais sous un pont et 800 spectateurs se pointaient !

Puis arrive le projet SweatLodge combinant free party et arts du cirque…
N : À 25 ans, on s’est dit qu’il était temps de gagner notre vie (rires). Nous avons donc créé SweatLodge, mais les salles étaient frileuses à l’idée de programmer de la techno. On a dit « allez vous faire voir, nous allons faire notre propre salle » et on a monté notre chapiteau. Nous étions malins et jouions avec les règles pour proposer quelque chose entre la free party et la fête « légale ». SweatLodge a prouvé qu’il était possible de faire une « teuf autorisée » sans que ce soit naze !

C’est pour cela que vous lancez le festival Paco Tyson, créé il y a deux ans ?
N : Oui, mais c’est aussi lié au contexte ! Depuis 2015, l’électro explose à Nantes. Et contrairement à mon époque où les différents publics ne se croisaient pas, les gamins d’aujourd’hui se déplacent autant dans les soirées SweatLodge que dans les clubs ou les soirées hardcore. Toute cette effervescence, ces nouveaux collectifs, ça nous donné de mauvaises idées (rires) !

Qu’en pensent les puristes de la free party ?
N : Si la grande époque de la free party s’est terminée, c’est justement parce que certains ont traduit le mot « free » par « gratuit » plutôt que « libre ». C’est une économie fragile, tu ne peux pas avoir des mecs qui parasitent le truc en vendant des bières dans leurs coffres. Ça a clairement nuit à l’esprit, c’est pour cela que la free party est revenue à quelque chose de plus confidentiel et secret. Ce qui marche avec 500 spectateurs ne marche pas forcément avec 2000 personnes.

La musique électro est-elle encore subversive ?
N : Ce n’est plus une musique toute neuve… Elle commence à devoir piocher dans son passé pour évoluer, comme le rock, mais il y aura toujours cette notion de fête et d’organisation parfois alternative.

Paco Tyson est le premier collectif à avoir rejoint Transfert, comment vous inscrivez-vous dans le projet ?
N : Nous sommes amis avec toute l’équipe, la question ne se posait pas. Transfert nous a poussé à expérimenter pour correspondre à la démarche du lieu. Nous avons notamment prévu une après-midi plus familiale et gratuite avec des mix hip hop, un genre dont on est fan, mais que nous n’avions pas encore osé proposer dans le cadre de Paco Tyson. 

Penses-tu que la fête soit essentielle à une société ?
N : C’est une soupape sociale ! Les gens ont besoin de sortir du cadre restrictif qui leur est imposé au quotidien où aucun débordement n’est toléré. C’est pour cela que les zones d’expression libre que nous créons avec Sweatlodge ou Transfert ont autant de succès. À nous de ne pas en faire une zone de non-droit, mais la plupart des gens débordent justement lorsqu’il y a trop de restrictions. Même avec un cadre ultra-sécurisé, il y a toujours des jeunes qui tombent dans la Loire. C’est parfois difficile à faire comprendre…   

Une société où il n’y aurait plus besoin de cette « soupape » serait-elle idéale ?
N : Je ne voudrais pas d’un monde « entre deux ». L’être humain n’est pas linéaire, il a besoin du lâcher-prise autant que de sa routine.

La fête permet-elle d’être réellement soi-même ou plutôt quelqu’un d’autre ?
N : Les deux, si l’on en ressent le besoin ! Il faut voir l’effet que les soirées déguisées de Sweatlodge produisent chez les gens ! Il n’y plus de code, plus de « toi, tu es rockeur, toi tu es riche, toi tu es pauvre », mais plutôt « tu es Batman. Toi, tu es Bob l’Éponge ». Ils se rencontrent bien plus qu’au quotidien où l’on ne parle malheureusement qu’à ceux qui nous ressemblent. La fête n’est pas forcément liée à l’ivresse, la musique et la communion d’une foule suffisent à ce lâcher-prise.

La fête est-elle juste un moment fugace et sans conséquence ?
N : Les rencontres peuvent changer une vie ! C’est évident que cela va plus loin que ce qu’il se passe dans la soirée.

Si l’on te donnait un lieu pour en faire ce que tu souhaites, à quoi ressemblerait t-il ? 
N : Je n’en veux pas (rires) ! Je préfère tester des choses, comme ce que l’on fait ici avec Transfert. Le chemin est aussi important que la destination.

Pour finir, est-ce qu’un organisateur fait la fête lorsqu’il organise une soirée ?
N : Non, mais j’y trouve mon compte ! Et quand je n’organise pas, je m’ennuie (rires). Je termine toujours par filer un coup de main…

 

Propos recueillis par Pierre-François Caillaud (rédacteur en chef du Magazine Grabuge).
Photo © Juliette-Nolwenn Thomas