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Abstrack est un collectif nantais protéiforme agissant par amour de la musique. À leur actif à ce jour : l’organisation de soirées en club (les mythiques Faktice), un festival à Nantes (Residanse), une participation à la création d’un festival au Togo (Good Morning Africa Festival), la création d’une webradio (radio DY10) au blockhaus du même nom, un label de musique (Abstrack Records), des actions culturelles, de la production d’artistes et d’événements festifs… 

Au sein de leur équipe, gravitent plusieurs DJs et producteur·rice·s avec chacun·e leur propre esthétique musicale. Parmi elles et eux, Vidock a un côté plus dur et rugueux, il exprime un groove certain au sein du groupe The Balek Band. Akou Bayo, quant à elle, joue une sélection de disques ensoleillés taillés pour les dancefloors, c’est pour mieux exprimer une douceur certaine à travers Icaros, le duo qu’elle forme avec Vidock autour de la musique ambient. 

Tirant son nom des chants de guérison d’Amazonie guidant les séances d’ayahuasca, ce projet solaire et mystique se compose autour d’un live de musique méditative. Conçu comme un voyage sonore immersif, aux frontières du rêve, passant de la rationalité à l’abstrait, Icaros adopte un langage musical entre rêve et réalité. Un rituel moderne, donnant à percevoir l’invisible, plonge l’auditeur·rice-voyageur·euse dans un état de méditation. 

Le 30 juin dernier, Abstrack dévoile Variations Abstentes Vol.1, une compilation d’artistes français·e·s réuni·e·s par cette même poésie sonore. Pour célébrer cette sortie, mettre en lumière ces artistes ainsi que cette facette musicale peu connue du collectif, un mini-festival sur 2 jours est proposé à Transfert les 30 et 31 juillet. En résidence artistique les jours précédents l’événement, on discute du projet avec Vidock et Akou Bayo alias Icaros :

Transfert : Bonjour Icaros, pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet musical ? D’où vient cette envie de créer de la musique méditative ? D’où vient l’idée de ce mini-festival ? Que dit-elle de l’état d’esprit du collectif Abstrack ? Peut-on dire que ce genre de proposition musicale arrive à point nommé (contexte sanitaire, société de consommation rapide…) ou à contrepied des propositions du moment (excès en tous genres…) ?

Akou Bayo & Vidock : Après avoir exploré la musique en tant que Dj, ils nous aient apparu de façon assez évidente que celle-ci jouait un rôle important pour l’Homme. 

Akou Bayo : La musique accompagne des moments de communion, de libération, d’expression mais aussi des passages de la vie d’un être humain. C’est à travers un cheminement personnel que je me suis intéressée à la musique en tant que vibration sonore, pouvant induire, accompagner la conscience et la transformation de celle-ci.
C’est donc par la pratique de la méditation que j’ai pu explorer comment les instruments vibratoires peuvent nous guider, entre silence et profondeur des vibrations, dans un état méditatif pouvant entre autres induire un processus d’auto-guérison.

Compagnon·ne·s de route depuis de nombreuses années, Valentin et moi avons toujours eu une attirance certaine pour les rituels, leur importance dans la vie d’un être humain. Les liens entre la musique, les rituels, la guérison sont connus depuis des millénaires. C’est à travers une envie d’unir cette réflexion artistique avec nos visions vibratoires singulières que le projet Icaros est né. Comme une envie d’aller à la rencontre de ce qui traverse l’humain, la conscience et l’univers en tant que vibration.

Au sein d’Abstrack, nous avons toujours aimé explorer l’événement festif en tant qu’espace temps de libération émotionnelle et de réflexions sur les échanges humains. Il est important d’observer comment à chaque heure et chaque espace (par la scénographie, l’accueil, les commodités, le sound system..) la musique permet d’accompagner les expériences individuelles et collectives indispensables à l’intégrité de l’être humain. Aussi le fait de pouvoir reposer l’esprit, dans une forme de silence intérieur, comme pour recharger ses batteries psychiques, est un besoin de l’humain que nous n’avions pas encore exploré avec Abstrack. Bien sûr le contexte nous a permis dans un temps suspendu de nous autoriser à ralentir pour observer les silences et ce qu’il se passe lorsque la frénésie d’un monde à toute vitesse ralentit.

T : Exit les boîtes à rythmes et platines, pour Icaros les instruments utilisés diffèrent totalement des machines que vous utilisez habituellement. Quels sont-ils ? Comment s’est fait l’apprentissage ? Quel·le·s sont les artistes qui vous inspirent dans ce genre musical ? 

AB : J’utilise pour ma part des instruments de musique dit vibratoire. Ils sont de différentes natures et ont différentes qualités sonores. Le champ de fréquence qu’ils parcourent est large et peut difficilement se raccrocher à une lecture musicale académique.

Bol tibétain, bol de cristal, tubalophone, tambour chamanique, gong, flûte, shrutibox, voici une partie de mes compagnons vibratoires présents au sein d’Icaros. Mais il y a aussi la voix, notre premier instrument de musique dont nous ne pouvons jamais nous séparer.

J’ai exploré ces instruments à travers des formations en sonothérapie mais aussi intuitivement car ces instruments permettent de laisser le ressenti de la personne qui les joue s’exprimer. C’est un peu comme une sculpture sonore où chaque vibration s’entremêle dans un mélange donnant à percevoir, l’espace et le corps d’un autre point de vue.

Vidock : Pour ma part, j’utilise justement des instruments électroniques : synthétiseurs, effets, samples etc… Tout une palette de son qui accompagne et se combine avec les instruments vibratoires d’Akou Bayo. Icaros, c’est la combinaison d’instruments millénaires, et de techniques modernes. Un orchestre vibratoire œuvrant à la création d’un espace temps entre rêve et réalité.

Notre set up n’obéit à aucunes règles et est en constante évolution. L’expérimentation est au cœur de notre pratique, ainsi aucun live ne se ressemble vraiment. L’autre aspect technique et important du projet Icaros, c’est sa scénographie. Celle-ci travaille sur le principe de cymatique, le pouvoir du son dans la forme. Ainsi les sons que nous jouons sont répercutés dans de l’eau. Les formes ainsi générées par la vibration de l’eau sont projetées derrière nous dans un cercle de 3 mètres de diamètre. Les formes harmonieuses du vivant apparaissent alors : fleurs, cactus, carapace de tortue. Ces apparitions nous rappellent que tout ce qui nous entoure est vibration, lumière ou son, et que toutes formes vivantes en sont le diapason.

AB & V : Pour les inspirations nous citerons : Jon Hassell, Hirodi Yoshimura, Sainkho Namtchylak, Helène Vogelsinger, Luis Paniagua, Nils Frahm. Ces artistes représentent un petit éventail des différentes facettes qui nous ont inspirées. Ils n’appartiennent pas vraiment à un genre musical défini mais ont nourri Icaros par leur univers.

T : Comment avez-vous rencontré C HH ICK, Tom Leclerc, Design Default et les autres artistes invités sur la compilation et le mini-festival Variations Absentes ? Comment décririez-vous leurs approches et complémentarité dans la programmation de l’événement ?

V : Nous sommes constamment immergé dans la création et la musique. Avec l’ensemble de nos pratiques artistiques : différentes formations live, production, et DJing, nous sommes perpétuellement à la recherche d’artistes et de créations qui nous nourrissent. Bon nombre de styles musicaux nous inspirent, et chaque univers exploré donne lieu à une vision complète.

Les musiques méditatives, ambiantes n’ont pas dérogé à cette règle, l’envie nous est donc rapidement venue de constituer une compilation avec un échantillon des multiples facettes que possèdent ce genre musical. Je suis donc partie à la recherche d’artistes que je connaissais déjà ou non. Après avoir reçu et trié de très beaux morceaux, la compil est née et va donner lieu à une série de sortie. Pour Abstrack, l’idée de synergie et de travail en collectif est très importante, c’est même une revendication face à une société individualiste. Cette compilation, et son visuel travaillé avec des étudiant·e·s de l’école de design de Nantes, en est donc une émanation.

L’enthousiasme de l’ensemble des artistes fait chaud au cœur et renforce notre détermination à poursuivre cette quête. Transfert nous offre donc le lieu pour pouvoir réunir une partie de cette équipe qui ne s’est encore jamais rencontrée.

T : Pourquoi avoir choisi Transfert comme point d’ancrage pour l’événement ? Appréhendez-vous la réaction du public par rapport aux autres événements que vous avez l’habitude de proposer sur le site de Transfert ou ailleurs ? Quelles promesses faites-vous au public qui viendra sur ces deux jours ?

AB : Je ne sais pas si nous pouvons parler d’appréhension. 

Il est vrai que l’idée de cet événement est née dans un contexte où il avait été interdit aux personnes de se rassembler pour danser. Pour autant, il ne me semble pas moins important de trouver des espaces d’écoute différents de la musique où le corps est perçu comme un diapason qui résonne et qui se laisse traverser par une expérience sonore hors du temps.

Il est vrai que ce type d’événement demande que chaque personne ait envie de vivre une expérience musicale profonde, qui sort de l’ordinaire d’un événement festif. Pour ce qui est de notre public, ils nous connait et sait que nous aimons sortir des sentiers battus. Pour les nouveaux arrivant·e·s, nous serons ravi·e·s de pouvoir éveiller leur curiosité.

V : L’idée de pouvoir écouter et ressentir la musique en groupe dans un autre cadre que celui de la fête nous intéresse depuis longtemps. Nous proposons déjà régulièrement sur nos fêtes, des espaces où ces musiques méditatives permettent une soupape.

Transfert est un lieu polymorphe où s’entrecroisent de nombreuses pratiques, il est donc propice à l’installation d’un tel événement. Ce mini-festival a été accueilli avec enthousiasme par votre programmation et a permis de pousser un peu plus loin cette idée. 

T : Que pouvons-nous vous souhaiter pour cet événement ?

 AB & V : Comme pour tous les événements : que la magie opère !