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Prenant pour terrain de jeu l’ensemble du site des anciens abattoirs, les étudiant·e·s du DPEA Scénographie de l’ENSA et les apprenti.e.s de la FAIAR ont été invités à réfléchir à la création de parcours scénographiques pour explorer la friche urbaine de Transfert, jouer avec la très grande échelle du site et investir l’immensité du lieu.

En janvier dernier, durant deux semaines, Transfert a été le terrain de jeu privilégié de futur·e·s professionnel·le·s de la scénographie et de l’art en espace public. Des étudiant·e·s du DPEA Scénographie de l’école d’architecture de Nantes et des apprenti·e·s de la FAIAR [formation supérieure d’art en espace public située à Marseille] ont travaillé ensemble à l’élaboration de parcours scénographiques en “stations orbitales” pour appréhender la friche sous tous ses angles. Transformations physiques ou symboliques, comment la mise en place d’une Traversée de Transfert peut renseigner sur son histoire, nourrir les strates du projet et révéler de nouveaux imaginaires ? 

Stations orbitales, plateformes, observatoires, ou encore belvédères, le champ était laissé libre aux étudiant·e·s pour imaginer des dispositifs qui révèlent le site dans toute son amplitude. A l’issue du workshop, 6 projets fictifs ont émergé. Les propositions créent de nouveaux cadrages sur le paysage et utilisent des procédés optiques offrant de nouvelles pistes d’exploration prospective et utopique du site qui dialoguent avec l’univers esthétique déjà présent.

Le projet « Transfert – Faire Trans » avait pour objectif d’amener le visiteur dans une quête initiatique. S’inspirant de l’univers du film Dead Man de Jim Jarmush, les étudiant·e·s ont imaginé installer dans la zone vierge un double de Transfert. Dans cette proposition le public traverse « un bois à illusions », pour ensuite pénétrer sous un abri : prototype de la forme d’un tipi, où le public était amené à s’installer et à contempler un ciel étoilé. L’installation, complétée d’une voix off, amène en douceur le·la spectateur·trice à l’introspection.

La proposition « Sans dessous de ça » travaille également la notion de miroir en se focalisant sur les effets de renversements, d’éloignements et de détournement que peut apporter un jeu de perspectives. S’inspirant de la traversée du miroir d’Alice aux pays des Merveilles, les étudiant·e·s ont imaginé un dispositif composé de cinq miroirs qui inversent le ciel et la terre, perturbent le regard, changent les focales. Tantôt ce qui est loin devient proche, tantôt ce qui est proche se déforme et s’inverse.

Un autre groupe s’est attaché à imaginer un « Terrain fertile », où le sol de la zone vierge aurait subi des forces contraires faisant référence au passé du lieu (abattoirs-mort/Transfert-vie). Dans ce scénario, une crête de plusieurs mètres de long est apparue dans la zone vierge. Elle laisse apparaître des failles (formes de hublots) à travers lesquels on peut voir l’autre côté avec des dispositifs de transformation visuelle.

La proposition « Ratiatum-les-flots » quant à elle explore de façon poétique un des aspects historiques du site. Évoquant de manière détournée la présence de la Loire, les étudiant·e·s dans leur scénographie proposent de faire visiter une ancienne cité balnéaire qui aurait perdu son eau suite à un geste tragique : quelqu’un a enlevé la bonde… Le parcours imaginé démarre par la visite de l’ancienne jetée au bout de laquelle on perçoit par anamorphose l’ancienne ligne des eaux. À bord d’un pédalo à sec, avec des lunettes d’exploration immersives, différents dispositifs sont proposés afin de plonger le spectateur dans le passé aquatique de Transfert.

Le groupe « Mirage ! » a choisi de questionner l’archéologie du futur. Que va-t-il rester de Transfert à l’avenir ? en surface, en profondeur ? Dans l’horizon du Remorqueur, les étudiants proposent d’installer une piscine à la forme étrange. Lorsqu’on s’en approche, c’est un bassin très peu profond avec Transats, cabines de plage, etc. Mais sous la piscine, il y a une faille où l’on peut pénétrer et, dans ce « sous-sol » dont le plafond est le bleu de l’eau, on peut découvrir, nichés dans les différentes strates de la terre, des « vestiges » de Transfert. Chaque « objet » est renseigné par un texte explicatif au ton mi-humoristique, mi-sérieux.

Enfin, un des groupes s’est inspiré de l’univers de Jules Verne et du Voyage au centre de la terre pour créer « Le Chronoscope ». Dans ce projet, un savant fou aurait creusé une multitude de trous (forages / carottages) dans le site pour explorer les mondes souterrains. Le public peut voir ces mondes grâce à l’installation de plusieurs périscopes inversés sur le site. Il y a également une cabane du chercheur à visiter, avec des reliquats de ses recherches, documents, objets, dessins, etc.

Finalement, ces six propositions décrivent des manières d’appréhender l’épaisseur des lieux et la profondeur de champ selon différentes modalités. Le public est invité à explorer le site sous toutes ses strates et tous ses horizons, de façon labyrinthique, énigmatique, poétique. L’exploration du paysage en « stations orbitales » est autant d’occasions pour le public de vivre des expériences inédites, d’engendrer des souvenirs et de s’approprier la poétique de l’espace de Transfert. Ces expérimentations, par leurs récits, par les imaginaires qu’elles véhiculent, touchent à l’affect, et contribuent à la fabrique d’un imaginaire urbain commun. 

Ont participé à ce workshop les étudiant.e.s de l’ENSA Nantes, et les apprenti.e.s de la FAIAR de Marseille, encadrés par Jean-Marie Beslou, Jean-Sébastien Steil, Elisa Fache et Philippe Lacroix.

Photos © Pick Up Production