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Retour sur les Rencontres Eclairées du Laboratoire de Transfert du mardi 4 février, à La Soufflerie à Rezé, par Le Labo des savoirs :

Éphémères, transitoires… Les lieux d’urbanisme culturel se multiplient en France depuis dix ans. Synonymes de dynamisme et de flexibilité, ils connaissent un essor sans précédent, accentué par un contexte d’austérité qui incite certaines municipalités à déléguer la fabrique de la ville, pour mieux se ré-enchanter.

L’urbanisme est en pleine effervescence ! « Tout est à réinventer » s’enthousiasme d’emblée Hélène Morteau. Écologique, numérique, politique… La ville est le lieu de toutes les transitions et doit s’armer pour répondre à ces nouveaux défis. Entre injonctions à l’innovation et demande croissante de lieux de culture accessibles, les pouvoirs publics ont trouvé la solution : optimiser le foncier en mettant à profit les temps de latence, les entre-deux. Comment l’urbanisme transitoire rebat-il les cartes de la ville ? Retour sur cette première des Rencontres Eclairées*, animée par Pauline Ouvrard, pour le laboratoire de Transfert.

« Nous avons besoin de ces espaces de respiration »

Transfert à Nantes, Dédales à Vannes, Darwin à Bordeaux, Les Capucins à Brest ou La Recyclerie à Paris, tous ces projets préfigurent les usages de la ville de demain. D’aucun.es y voient du militantisme urbain, mais pour Aurore Rapin, il ne faut pas être trop présomptueux : « Tout dépend de ce que l’on a envie de mettre derrière l’expression urbanisme transitoire. » Pour elle, ces lieux ont une responsabilité : celle de « fabriquer des capacités collectives face aux crises actuelles, en permettant à tout un chacun de s’approprier les grands enjeux de société »

Plus que des outils politiques donc, ils « horizontalisent » la fabrique et la pratique de la ville. Sur ces terres d’expérimentations, on revendique le droit à l’erreur et l’improvisation. Des idées fraîches, qui transcendent la concurrence que se livrent les grandes métropoles. Ces nouvelles façons de faire modifient d’ailleurs en profondeur notre rapport aux autres et au travail, en instaurant une plus grande transversalité des compétences : « A Transfert, je me suis retrouvé chef d’orchestre, avec des musicien.nes qui ne connaissaient pas la partition ! » raconte affectueusement François Debraine. « Nous avons besoin de ces espaces de respiration » estime David Martineau, « c’est aussi ça, le jeu à la nantaise ! ».

Une arme d’humanité massive

« A l’ANPU (l’agence nationale de psychanalyse urbaine), on préfère parler de projets trans-histoires » déclare Fabienne Quéméneur. Sa mission consiste à mettre la ville « sur le divan » pour en prendre le pouls, capter son identité. Pour elle, ces nouveaux espaces sont à la fois des thermomètres et des remèdes. Encore faut-il les considérer avec justesse : « Il ne s’agit pas de faire de l’urbanisme low-cost, mais de prendre conscience du travail que cela nécessite de la conception à la réalisation. » Atypiques plus qu’utopiques, ces lieux de vie bousculent jusqu’aux relations humaines, pour celles et ceux qui les font, comme pour les usagers. C’est ainsi qu’à Rennes l’Hôtel Pasteur, un bâti vacant du XIXème siècle est devenu ce que Sophie Ricard, architecte en charge de sa réhabilitation, appelle oniriquement « une place publique avec un toit ».

En France, l’urbanisme transitoire est un phénomène récent. Si des effets positifs sautent aux yeux, des limites commencent aussi à se dessiner. Modèle prisé mais précarisant pour les structures porteuses, ces dernières défendant farouchement leur indépendance et une culture non institutionnalisée. Le prix de la singularité ?

Synthèse réalisée par Le Labo des savoirs

Le Labo des savoirs est une émission radio hebdomadaire consacrée aux sciences et à la culture scientifique. C’est aussi une volonté : celle de faciliter, avec des évènements et collaborations diverses, l’accès aux savoirs et aux connaissances scientifiques, de créer des intersections entre la recherche et les citoyen·nes.

*Avec : Hélène Morteau, docteure en aménagement et urbanisme ; Louis-Marie Belliard, responsable d’opération Hôtel Pasteur – Territoire ; François Debraine, directeur des opérations Gestionbat ; David Martineau, adjoint à la culture de la ville de Nantes ; Aurore Rapin, coordinatrice de projets Yes we camp,Fabienne Quéméneur, co-pilote de l’ANPU et Pauline Ouvrard, Architecte-urbaniste, maître de conférence à l’École d’architecture de Nantes et chercheuse au Laboratoire AAU.

Crédits photos – © Alice Grégoire