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Ancré dans une démarche d’innovation et d’expérimentation de nouvelles formes artistiques et documentaires, le collectif nantais étrange miroir mêle univers sonores, musicaux, visuels, littéraires ou documentaires pour engager et provoquer une réflexion sociale et citoyenne. Pendant les nuits du 23 et 24 août 2019, le collectif vous proposait d’embarquer à bord de L’oiseau de nuit, véhicule situé à mi-chemin entre un vaisseau spatial et un bus magique.

Étrange miroir est né en 2011 et est composé d’une petite vingtaine de personnes. Chacune d’entre elles possède un bagage de savoir-faire spécifiques : graphisme, musique, numérique, cinéma, audiovisuel, scénographie, art du cirque, danse… Parmi leurs faits d’armes, citons par exemple Le Lupophone (installation sonore et plastique hors du temps), Moving Beyond Borders (exposition itinérante autour des différentes problématiques liées aux flux migratoires) ou encore L’Étrange bus de nuit. C’est une déclinaison de ce dernier projet qui était présentée à Transfert les 23 et 24 août.

En amont de leur représentation, nous avons posé quelques questions à Marie Arlais et Raphaël Rialland d’étrange miroir afin de comprendre ce qui les anime et d’en savoir plus sur L’oiseau de Nuit.

Transfert : Votre travail tisse des liens entre recherche, militantisme et monde artistique. Quelles sont les causes qui vous tiennent à cœur ?

Etrange Miroir : Notre collectif est né d’une volonté de croiser des mondes pas toujours en lien et des compétences éclectiques. Nous étions engagés dans une asso de défense du droit des étrangers (La Cimade), nous nous sommes dit que l’art et l’imaginaire pouvaient être vecteurs d’une ouverture, en particulier en ce qui concerne les représentations. La question des migrations nous a poussé à nous interroger sur nous-même, individuellement et collectivement. On peut dire que les migrations – la situation des personnes et la gestion catastrophique de la part des institutions – ont été un catalyseur pour Etrange Miroir, parce qu’aussi il y avait, il y a toujours, une urgence à parler de ça. Mais on ne peut pas se cantonner à ce sujet. Dans ce questionnement sur nous-même et notre société, nous sommes préoccupés par la mémoire, l’histoire, les inégalités de genre, tout ce qui touche les minorités, tout ce que peuvent exprimer les anonymes.

Photo : « Moving Beyond Borders »

T : Comment l’art peut-il vous aider à servir ou défendre celles-ci ?

EM : Tout art est une vision. L’art peut servir à proposer différentes lectures du monde, des échappées et des possibles. Il peut aider à aller au-delà de certaines idées reçues. Il nous met dans une position d’observation, d’écoute, il fait appel à nos sens. Il joue un rôle de catharsis, d’exutoire. Il questionne. Il est nécessaire.

Agencer des mots, des images et des sons nous permet à chaque création de constituer une musicalité, un univers, un espace de réflexion. La dimension sensible est importante car elle permet de transmettre des choses que l’on ne sait pas toujours formuler parce qu’elles sont intuitives, ou que l’on ne veut pas formuler de manière définitive, parce que l’on ne veut pas imposer une pensée.

Que ce soit dans une installation interactive ou un spectacle vivant, nous faisons en sorte de mettre le public à la même place que nous. Le spectateur est un chercheur qui s’interroge et ouvre différentes pistes : comme nous, il rencontre des témoins, alimente sa réflexion en explorant la poésie, la littérature, notre passé, les sciences humaines etc.

Photo : « Moving Beyond Borders »

T : Selon vous, l’art est-il systématiquement politique et/ou revendicatif ?

EM : Comme nous le pratiquons, de notre point de vue, oui : l’art est forcément politique. Citoyen signifie « personne qui habite la cité ». Cela fait donc appel à la notion de multitude et encore une fois à la diversité des regards sur le monde. L’art permet de donner son avis de manière publique, c’est donc une forme de participation à la vie de la cité, et même de prise de pouvoir d’une certaine manière. Il peut être perçu comme revendicateur selon la place que l’on occupe, selon notre propre point de vue. C’est très subjectif en fait. Dans un idéal il nous semble qu’il ne devrait pas être politisé au sens où on l’entend aujourd’hui, c’est à dire instrumentalisé ; mais cela n’est pas aussi simple que ça si l’on observe ce qui se passe autour de nous. L’art n’est pas déconnecté de la société. Les rapports qu’il entretient avec la société en disent beaucoup sur nous, là où nous en sommes. Il suffit juste d’étudier un peu d’histoire de l’art pour s’en rendre compte.

Photo : Résidence « L’oiseau de nuit »

Question bonus : L’oiseau de nuit est une déclinaison de votre précédent travail « L’étrange bus de nuit ». À quoi doit-on s’attendre pour cette nouvelle version ?

Pour cette nouvelle création nous sommes partis d’interrogations sur l’évolution du monde urbain, ce qu’il dit de nous. Nous avons très vite pensé au point de vue des animaux nocturnes. L’oiseau de nuit et ses différentes significations nous ont séduit, et nous avons choisi une chouette pour protagoniste. Les recherches que nous avons menées nous ont guidé vers sa symbolique et très vite à la civilisation grecque. La chouette est le symbole d’Athéna, déesse de la sagesse et de la guerre. Ce fil nous a conduit vers l’héritage de la mythologie, notamment à travers la série documentaire de Chris Marker « L’héritage de la chouette ». En découvrant ces mythes, on se rend compte que nos questionnements ne sont pas si éloignés, c’est troublant.

Transfert nous a donné la possibilité d’expérimenter cette création. Nous avons relevé le défi et y consacrons un mois pour produire les contenus artistiques. Ce ne seront donc que les premiers balbutiements de la chouette tombée du nid, dans cette ville peu hospitalière pour ce petit animal fort heureusement déjà perspicace.

Dans le bus, vous serez guidés par un texte écrit à plusieurs mains. Sur les murs de la ville, vous apercevrez tout un bestiaire nocturne animé ainsi que des phrases, tels des tags éphémères, inspirés autant des slogans des gilets jaunes que de philosophes ou de la mythologie grecque. Dans votre casque, l’expérience sera rythmée par quelques vagues et secousses musicales composées sur mesure pour vous plonger dans la nuit, dans la ville et ses marges ou dans votre trip perso, et surtout pour vous mener à bon port, dans un sens ou dans l’autre.

Photo : Bus de « L’oiseau de nuit »

L’oiseau de nuit – étrange miroir

Texte : Marie Arlais, Valentine Chevalier et Clara Robert
Images projetées : Clara robert, Hugo Michel, Yoan Robin et Raphaël Rialland
Musiques : Erwan Fauchard, Raphaël Rialland et Matthieu Goulard, avec la participation de Riwanon Quéré, Antoine Lacoste et Nicolas Rousseau

👉  Billetterie au départ de Nantes / Billetterie au départ de Transfert
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Photos © étrange miroir