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Il y a sept ans, Sylvain Hérault et Simon Beillevaire, anciens intermittents du spectacle vivant, créaient l’agence QUB. Aujourd’hui ils sont responsables des containers imbriqués qui définissent la cité de Transfert. Scénographes, designers, artistes… rencontre avec un duo multitâche. 

 

Le projet que vous aviez en tête au début est-il le même que celui qui est en place ?

Sylvain : Avec Pick Up Production, nous sommes d’abord tombés d’accord sur une histoire, celle d’un peuple d’indiens qui pose ses valises dans une oasis. Notre projet était très ambitieux, presque trop. Nous partions sur différents étages de containers, avec terrasses en hauteur, des passerelles, un poids-lourd suspendu…
Simon : Le côté pratique est venu ensuite, nous nous sommes adaptés aux délais très très courts et au budget, sans jamais oublier notre objectif de départ : créer une toile blanche pour les artistes et le public, mais une toile blanche avec du caractère  !

Quelle posture adoptez-vous dans un projet comme  celui-là ? Artistes ou bâtisseurs ?
Sylvain : Dans le bâtiment, on nous prend pour des artistes et dans l’art, on nous prend pour des mecs du bâtiment (rires). Nous venons du spectacle vivant, on a toujours porté cette double casquette.



Aviez-vous déjà travaillé sur des constructions de cette ampleur ?
Simon : Non, ce chantier était un réel terrain d’apprentissage pour nous.
Sylvain : Pour le meilleur et pour le pire (rires). Mi-mars, QUB était composé de trois personnes, le mois suivant, nous étions douze sur le projet.
Simon : Nous sommes allés vers le plus efficace, mais pas forcément vers le plus simple. Très peu de projets se déroulent comme cela, aussi rapidement. Même nous, nous avions des doutes sur le fait que le chantier serait livré en temps et en heure… Il fallait un peu de folie pour y arriver. 

Et beaucoup de coordination entre vous, les artistes, les ouvriers, Pick Up Production…
Simon : Pick Up Production a fait confiance à une mini-entreprise qui lui disait « on va monter des containers à 18 mètres de haut et ça va bien se passer » (rires).
Sylvain : Et ça s’est bien passé !
Simon : Le chantier était vraie fourmilière ! Ceux qui travaillaient dans le bâtiment traditionnel ont halluciné, ils ne s’imaginaient pas la capacité d’organisation et d’efficacité du monde du spectacle. Nous avons prouvé tous ensemble qu’il existait une autre organisation du travail, moins traditionnelle, plus créative et tout aussi efficace.

Voudriez-vous retourner à l’ouvrage pour les prochaines années du projet ?
Simon : Il y a plein de choses qu’on a mises de côté pour des histoires de délais et de budget qu’on aimerait bien terminer, mais notre objet est fini. Et puis, il faut que ça tourne ! C’est un terrain d’expérimentation, ça aurait du sens que d’autres collectifs prennent le relais.
Sylvain : Ce n’est pas un sanctuaire. On a juste fabriqué un support à exploiter par d’autres artistes et j’ai hâte d’être surpris de ce qu’ils vont en faire.
Simon : L’objet que l’on a créé est au service de la culture. Et les choses figées sont des choses mortes.

Pourquoi ce choix des containers ?

Simon : On ne pouvait pas arriver sur ce site cabossé et désertique et construire un truc tout neuf. Ça ne représentait ni le nomadisme, ni le transfert. Il fallait aussi que ce soit une cité au milieu d’un désert, comme Las Vegas, et aussi une place de village.
Sylvain : Le côté patiné de la matière donne aussi de l’âme au projet.

Peut-on dire que Transfert est un quartier en soi ? 

Sylvain : Les quartiers sont régis pour des choses très pragmatiques, je le qualifierais plutôt de zone d’accueil.
Simon : Il y a ici une mixité extraordinaire que l’on ne trouve que trop rarement, voire jamais.
Sylvain : On tend vers ça dans l’architecture et l’urbanisme. Je vois de plus en plus de projets participatifs où les futurs usagers participent autant à la conception qu’à la mise en place.


Transfert est-il une utopie ?
Simon : Tout ce qui suscite du rêve fabrique de l’utopie  ! Transfert, ce sont des rêveurs actifs qui ont construit un projet en appelant d’autres rêveurs actifs. En espérant que cela fasse naître de nouveaux rêveurs.

Cette zone aura-t-elle un rôle à jouer dans le quartier qui apparaîtra dans cinq ans ?

Sylvain : Si cet espace apporte une dynamique collective et que les habitants se l’approprient, le démontage de Transfert n’aura aucun intérêt.
Simon : Impossible de savoir ci cela va se passer, mais ce serait une belle utopie !

Propos recueillis par Pierre-François Caillaud
 (rédacteur en chef du Magazine Grabuge)
Photo © Julien Daden